L’année 1818 fût marquée par le premier brevet d’une machine appelée communément en France Draisienne, une « machine à courir » qui sera dotée de pédales en 1861. Au fur et à mesure de perfectionnements successifs, ces machines allaient devenir des vélos dans la deuxième moitié du XIXème siècle. La compétition apparaitra le 31 mai 1868 au parc de Saint-Cloud à Paris, le vainqueur James Moore franchira les 1200 mètres en 3 minutes et 50 secondes. En 1896, le cyclisme sur piste sera présent lors des premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne organisés à Athènes. Entre la fin du XXème et le début du XXIème siècle, des critériums seront pour la première fois programmés avec des cyclistes utilisant des vélos à pignon fixe. Le Red Hook Crit est un criterium planifié depuis 2008 à Brooklyn, des cyclistes du monde entier y participent. Depuis, cette compétition s’est développée jusqu’en Europe dans des villes telles que Milan (2010), Barcelone (2013) et Londres (2015). Ces courses sont très appréciées par les spectateurs car très impressionnante, elles ont permis de redonner de la notoriété aux courses fixies.
En 1974 aux Etats Unis, une autre épreuve moderne voit le jour, le triathlon. En 1995, le triathlon intègre le programme olympique, la première épreuve arrivera aux Jeux de Sydney cinq ans après. La distance olympique consiste à enchainer sans arrêt du chronomètre, 1,5 km de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied. Cette discipline est considérée comme une distance standard effectuée en 1 heure 45 minutes pour les hommes et 1 heure 56 minutes pour les femmes lors des jeux de Rio en 2016.
Dans les années 1970 - 1980, le fixie était utilisé en période de reprise, l’hiver, pour travailler son pédalage et se renforcer musculairement sans nécessairement faire un gros volume d’entrainement. Le cycliste travaille alors à des cadences à la fois très hautes mais aussi très basses en fonction du relief. Ainsi, un travail de force, de vélocité et de coordination peut être fait efficacement avant de débuter une préparation plus spécifique et intensive. A force de pratique la fluidité du pédalage s’améliore.
Les courses de fixie sont similaires à la partie cyclisme d’un triathlon distance olympique d’un point de vue temporel mais aussi technique. La durée de course de ces deux formats est d’environ quarante-cinq à cinquante-cinq minutes avec plusieurs boucles à effectuer sur un circuit technique comprenant jusqu'à neuf virages comme sur le Red Hook Crit de Brooklyn. En revanche, les vélos des triathlètes sont équipés de freins et d’une transmission avec des vitesses ce qui leur permet de changer de développement en fonction des exigences du circuit. Sur un vélo à pignon fixe, les cyclistes font corps avec leur vélo et doivent freiner avec leurs jambes en imposant une force dans le sens contraire au pédalage. De plus, leur développement doit être réfléchi et adapté en fonction de la technicité du parcours pour ne pas être sous la contrainte d’un braquet trop grand ou trop petit.
Pour ces sports d’endurance, les déterminants physiologiques de la performance en cyclisme semblent être le débit maximal de consommation d’oxygène (VO2max) et la puissance maximale aérobie (Hill et coll. 1923). D’autres études ont montré que le VO2max était plus important chez des sportifs entrainés en endurance tels que les cyclistes ou triathlètes (Saltin et Astrand, 1967). Ces deux types de pratiques semblent identiques sur quelques points précis, mais y a-t-il un profil type de cycliste pour chacune de ces disciplines sportives ?
- Cadre théorique
Analyse de la partie cyclisme d’un format olympique
Le principal déterminant au succès est la capacité à maintenir un taux élevé de dépense énergétique pendant des périodes prolongées (O’Toole, Douglas, 1995). Dans de nombreux triathlons M, il est autorisé de rouler en peloton ce qui modifie considérablement les contraintes physiologiques et biomécaniques spécifiques de la compétition (Bernard T et coll.2009), les dépenses énergétiques peuvent être réduites de 30 % pour la même vitesse (Brisswalter et coll 2008). Les recherches de Hausswirth et coll (1999) montrent également que le « drafting » a une influence significative sur le temps d’arrivée et sur le classement pour des triathlètes élites lors d’un triathlon olympique. La partie cyclisme d’un triathlon de courte distance est ponctuée par des variations d’allures fréquentes en fonction du relief, de la technicité du parcours et de la stratégie de course des concurrents souhaitant « creuser l’écart » ou réussir à «revenir de l’arrière ». Elle serait importante d’un point de vue tactique et technique plus que les paramètres physiologiques.
En effet, selon De Vito et coll (1995), le temps effectué sur la partie course à pied pourrait être utilisé pour prédire le succès global de l’épreuve. En d’autres termes, les triathlètes qui ont un niveau en cyclisme supérieur à la moyenne devraient essayer de terminer la partie cyclisme devant les meilleurs coureurs s’ils veulent avoir une chance de bien se placer au classement. Pour Brisswalter et coll (2008), la partie natation et la partie cyclisme doivent être composées d’actions tactiques importantes de manière à réduire sa dépense énergétique et s’économiser pour la partie course à pied.
Ce type de course stratégique est décrit comme un système dynamique non linéaire menant à une fatigue métabolique et/ou neuromusculaire, comparé à un exercice d’intensité constante que l’on peut retrouver lors d’un triathlon longue distance (Abbiss et Laursen, 2008). La puissance développée sur cette partie est beaucoup plus linéaire. Une description complète du profil physiologique de ce type d’évènement permettrait d’améliorer la connaissance du triathlon de distance olympique et d’optimiser les stratégies d’entrainement.
Dans une étude menée lors de la partie cyclisme d’une manche de coupe du monde de triathlon, T.Bernard et coll (2009) montrent que sur 10 triathlètes élites, la répartition du temps passé en dessous de leur seuil ventilatoire 1 (SV1), entre le SV1 et SV2, et au-dessus du SV2 (à puissance maximale aérobie et anaérobie) a été respectivement de 27 ± 12 %, 26 ± 8 % et 48 ± 14 %. Cette étude indique donc que le triathlon à distance olympique nécessite une forte implication des processus aérobie et anaérobie. Les temps en cyclisme pour un triathlète de niveau international sont généralement situés entre 50 et 55 minutes. Au niveau amateur, la durée de cette partie ce situe plutôt entre 1 heure et 1 heure et 5 minutes. Concernant le temps de course passé dans chacune des trois disciplines, environ 15 % du temps total de la compétition est passé dans l’eau lors de la natation, 55 % du temps en vélo et 29 % pour la partie course à pied. Les transitions représenteraient ici environ 1 % (Landers et coll, 2008). On retrouve la même tendance sur la répartition de l’entrainement d’un triathlète élite qui est en moyenne de 1000 à 1250 km en natation (7 % de la distance totale d’entrainement), 10000 à 13500 km en vélo (soit 72 % de la distance totale) et 2800 à 4000 km en course à pied, soit 21 % (Fröhlich et coll, 2008). Ces chiffres sont susceptibles de varier en fonction des points forts et points faibles de chaque athlète.
Nombreux triathlètes internationaux disent qu’un triathlon « se perd en natation et se gagne en course à pied ». La partie cyclisme ne prendrait donc pas une part très importante sur la course ou dans la période de préparation ? Serait-elle considérée comme une épreuve « d’attente » à la course à pied malgré le fait que cette partie représente plus de 50% du temps total de course ?
Dans leur étude menée sur 10 triathlètes masculins, Bentley et coll (1998) indiquent qu’il y a une corrélation significative entre le VO2max et la puissance maximale anaérobie sur la performance lors de la partie cyclisme sur un triathlon courte distance (M). De plus, la puissance maximale aérobie et la puissance maximale anaérobie sont des facteurs importants de la performance. Cependant, sur ce type de course, la force musculaire des membres inférieurs peut être minime dans la performance globale lors de la partie cyclisme. Dans les triathlons distance olympique, le VO2max semble être lié à la performance (O’Toole et Douglas, 1995), étude menée sur des triathlètes de niveau amateur. A l’inverse, dans les triathlons de longue distance, le VO2max est bien moins corrélé avec la performance.
Les courses de vélo à pignon fixe (fixie) sont des courses intenses d’une durée inférieure à une heure. Les fixies sont des vélos sans frein qui demandent une bonne condition physique ainsi qu’une dextérité et une technique adaptée pour un pilotage de qualité. Le freinage est effectué avec les pédales lors de la phase de traction ou de propulsion.
En effet, il existe 2 formes de freinage :
- Appuyer sur la pédale lorsqu’elle remonte, le freinage est donc effectué par les quadriceps et les fessiers par une action excentrique.
- Tirer sur la pédale lorsqu’elle descend, la force est exercée par les ischios-jambiers en excentrique
Les exigences physiologiques de la pratique du pignon fixe peuvent être corrélées à celles des courses de VTT malgré un temps de course légèrement inférieur. Dans leur étude visant à décrire les exigences physiologiques d’une course de vtt, Stapelfeldt et coll. (2004) montrent que la puissance varie fortement tout au long de la course. En effet, 39 ± 6 % du temps a été passé en dessous du seuil aérobie (SV1), 19 ± 6 % entre le seuil aérobie et le seuil anaérobie (SV2), 20 ± 3 % entre le seuil anaérobie et la puissance maximale aérobie (PMA) et 22 ± 6 % au-dessus de la PMA, c’est-à-dire proche de la puissance maximale anaérobie. En revanche, la fréquence cardiaque reste relativement stable. Ce type de course est donc caractérisé par des oscillations importantes de la puissance développée avec une fréquence cardiaque qui reste élevée en permanence. Des systèmes aérobies et anaérobies hautement développés sont donc nécessaire pour encaisser les nombreuses variations de la charge de travail.
D’autres études se sont intéressées aux déterminants physiologiques de la performance en VTT, le principal déterminant de la performance serait la capacité à produire de hauts rapports puissance / poids de corps (Impellizeri et Marcora 2007) en raison des nombreuses difficultés du circuit. Impellizeri et coll (2005a) ont montré que la performance en VTT chez des cyclistes hétérogènes était significativement corrélée à la puissance maximale développée lors d’un test incrémental de puissance maximale aérobie (PPO) ainsi qu’à la puissance développée aux seuils lactiques 1 et 2, normalisée par le poids de corps. En revanche, pour Impellizeri et coll (2005b), chez des vététistes homogènes de niveau international, seule la puissance développée au seuil ventilatoire 1 était significativement corrélé à la performance.
Les courses de cyclo-cross présentent des similitudes avec les criteriums fixie. En effet, ces courses dépassent rarement une heure et les circuits sont généralement courts avec de nombreuses relances. Seul le terrain change ainsi que les conditions climatiques car ces courses se déroulent pendant la saison hivernale. Pour Ouvrard et coll (2015), la performance en cyclo-cross peut être corrélée à la capacité à développer de hautes puissances à des intensités équivalentes à la puissance maximale aérobie et au seuil anaérobie. Ces résultats sont en accord avec les travaux d’Impellizeri (2005a). Nous pouvons émettre l’hypothèse selon laquelle les déterminants de la performance lors des criteriums de fixie sont identiques à ceux d’une course de VTT ou de cyclo-cross.
Par ailleurs, la pratique du pignon fixe fait intervenir de nombreuses contractions musculaires excentriques permettant de ralentir sur le circuit. L’entrainement en excentrique induit généralement une hypertrophie importante sur les muscles actifs (Higbie et coll. 1996), ainsi qu’une augmentation de la force excentrique et isométrique (Hortobagyi et coll. 2000).
Dans leur étude, Leong et Coll (2014), montrent qu’à la suite d’un entrainement en cyclisme excentrique réalisé sur un ergomètre isocinétique de huit semaines à raison de 2 séances par semaine, la puissance maximale concentrique augmente de 5 ± 1% une semaine après l’entrainement et de 9 ± 2% huit semaines après (P<0,05) sans résultat significatif entre les mesures prises une ou huit semaines après.
En résumé, l’entrainement cycliste excentrique à haute intensité de courte durée entraine une amélioration de la structure musculaire traduite par une amélioration de la puissance maximale. Ces résultats suggèrent également qu’un temps de récupération suffisamment long doit être respecté afin de détecter les gains fonctionnels après un tel type d’entrainement. Un examen approfondi par Isner-Horobeti et al. (2013) a mis en évidence plus de 15 études démontrant que l’entrainement cycliste excentrique est plus efficace que l’entrainement concentrique pour améliorer la fonction musculaire dans diverses populations allant des patients aux athlètes compétitifs.
Problématiques et hypothèses
Pour ces 2 types de pratique, le développement des systèmes aérobies et anaérobies est un axe de travail primordial dans la stratégie d’entrainement. Les exigences physiologiques semblent être similaires entre ces deux pratiques. De plus, il est habituel que les triathlètes de niveau confirmé à élite aient un volume d’entrainement hebdomadaire important.
Un entrainement régulier en endurance induit de nombreuses adaptations physiologiques qui facilitent la capacité à assimiler et à maintenir des charges de travail submaximales sur de longues périodes (Coyle, 1995 ; Hawley, 2002). Selon Holloszy et Coyle (1984), l’une des adaptations les plus importantes à l’entrainement en endurance est le changement de substrat dans le métabolisme du muscle squelettique.
C’est-à-dire que l’entrainement en endurance augmente la disponibilité du glycogène et réduit le taux de catabolisme de celui-ci, améliorant la capacité d’endurance (Green et al. 1995). Une question se pose : est-ce que les caractéristiques physiologiques sont similaires pour des cyclistes adeptes de courses fixie d’une part, et des triathlètes sur des courses de format olympique d’autre part ?
Nous évoquerons les hypothèses suivantes :
Les puissances maximales aérobies et anaérobies mesurée sur les deux groupes pourraient présenter des valeurs similaires. De plus, l’entrainement d’un triathlète peut être plus volumineux avec plus de temps passé à un niveau d’intensité modéré que l’entrainement d’une personne faisant du VTT ou du cyclisme à pignon fixe du fait de la nécessité de s’entrainer dans 3 sports différents. C’est pourquoi les triathlètes pourraient avoir un VO2max plus important que l’autre groupe car un des paramètres clé de la capacité aérobie serait l’amélioration de la consommation maximale d’oxygène (Andrew M. Jones, Helen Carter, 2000).
Par ailleurs, les valeurs enregistrées lors des CMV pourraient présenter aucune différence significative aussi bien sur les quadriceps que les ischios-jambiers. Lors de la partie cyclisme d’un triathlon olympique, le travail musculaire se fait exclusivement avec des contractions volontaires concentriques. Cependant, le cycle de course à pied chez les triathlètes est composé de contractions excentriques sur les membres inférieurs (Eston, 1995). Quant aux cyclistes utilisant des vélos pignon fixe, les phases de freinage nécessitent des contractions excentriques également, les deux groupes pourraient donc avoir des valeurs similaires.
Dans la discussion générale, nous tenterons de répondre à la question suivante : la pratique du pignon fixe permettrait-elle d’optimiser les performances d’un triathlète sur la partie cyclisme d’un triathlon distance olympique ?
Sujets
Quatorze sujets ont participé à cette expérimentation, six triathlètes (âge : 23±3 ans, poids : 75±7 kg, taille : 183±4cm, pourcentage de masse grasse : 6±1 %) et 8 cyclistes (âge : 26±1 ans, poids : 73±2 kg, taille : 181±6cm, pourcentage de masse grasse : 8±3 %) faisant principalement du vélo à pignon fixe. Tous les sujets pratiquaient le cyclisme ou le triathlon de manière régulière.
Protocole expérimental
L’expérimentation s’est déroulée avec différents outils tels qu’un Optojump (OPTOJUMP NEXT), un analyseur d’échanges gazeux COSMED K5 et son logiciel COSMED, un ergocycle CYCLE OPS avec roue à capteur de puissance POWERTAPE, un cardiofréquencemètre, un ergomètre isocinétique (BIODEX), un impédancemètre TANITA. Les sujets utilisaient leur propre système de chaussures et de pédales automatiques.
Ensuite, chaque sujet devait venir deux fois au laboratoire afin de réaliser deux sessions dans un ordre aléatoire. Deux jours minimum s’écoulaient entre chaque session afin de limiter les effets de la fatigue. De plus, il était demandé aux sujets de ne pas s’engager dans des compétitions ou entrainements intensifs dans les deux jours précédents chaque test.
Tout d’abord, la première session était composée d’une pesée sur l’impédancemètre nous indiquant le poids et le pourcentage de masse grasse. Celui-ci a été réglé sur le profil « athlétique » pour tous les sujets. Ensuite, après avoir réglé l’ergocyle à leur convenance et s’être équipé du cardiofréquencemètre et du K5, les sujets devaient réaliser un test VO2max mesurant également la Puissance Maximale Aérobie (PMA).
Durant le test, les sujets restaient tout d’abord trois minutes au repos puis après un départ à 100 watts, l’incrémentation se faisait de 25 watts toutes les deux minutes. Les sujets sont restés assis sur l’ergocycle pendant toute la durée du test, une fréquence de pédalage située entre 80 et 90 rpm a été respectée. Toutes les deux minutes la fréquence cardiaque était relevée ainsi que les sensations d’efforts grâce à l’échelle RPE de Borg. Les échanges gazeux étaient mesurés instantanément. Un ventilateur était placé derrière le sujet afin d’assurer la convection nécessaire au refroidissement du corps. Aucun apport énergétique n’était pratiqué durant l’épreuve. La durée de cette session était de 45 minutes. Ce test a été réalisé jusqu’à l’épuisement.
La seconde session était composée d’un échauffement sur l’ergocycle puis d’un test counter-movement jump avec bras. Les sujets avaient à respecter des consignes particulières permettant une réalisation la plus optimale possible sans mouvement parasite. En effet, l’écartement des pieds devait être égal à la largeur du bassin, le regard fixé à l’horizontal. Le départ du mouvement était effectué avec les bras tendus devant soi. Le counter-movement jump (CMJ) devait être réalisé le plus rapidement possible en veillant à exécuter une flexion (angle genou à 90°) puis une extension en minimisant au maximum le temps entre les deux actions. Le mouvement des bras devait être coordonné à celui des membres inférieurs, c’est-à-dire, les bras descendent au moment de la flexion et remontent lors de l’extension. Après des répétitions brèves de quelques CMJ afin de se familiariser et si besoin corriger les erreurs techniques, la meilleure performance en centimètres a été enregistrée. Le nombre de saut maximum ne dépassant pas cinq avec une minute de repos entre chaque saut. Lors du test suivant, les sujets étaient assis sur le siège d’un ergomètre isocinétique BIODEX, et sanglés fortement au dossier. Leurs mains étaient accrochées aux sangles au niveau de leur poitrine.
La jambe droite était sanglée au bras de l’ergomètre quelques centimètres au-dessus de la malléole. L’angle du genou était fixé à 90° et son axe aligné avec celui du bras de levier.
Les tests pratiqués consistaient à développer le plus de force possible (force maximale volontaire) suivant deux modalités : Tout d’abord en isocinétisme actif (concentrique) à une vitesse de 60 °/s sur les muscles quadriceps et ischios-jambiers. Les sujets avaient pour consignes de réaliser des mouvements enchainés et continus en veillant à conserver une amplitude maximale (venir jusqu’aux butées inférieures et extérieures). Ensuite, les sujets répétaient, à la même vitesse, des mouvements similaires avec les mêmes consignes mais en mode passif (excentrique). Chaque modalité était précédée d’un échauffement permettant aux sujets de ne pas être surpris et d’être efficace dès le lancement. Cet échauffement était réalisé dans les mêmes conditions que le test mais à des intensités moins élevées pour ne pas avoir les effets de la fatigue. Lorsque les sujets ne parvenaient plus à avoir des valeurs de forces supérieures à celles préalablement enregistrées, le test se terminait.
Les mesures ont été réalisées en Newtons-mètres. L’ultime étape de cette session consistait à effectuer un test de puissance maximale sur ergocycle. Après un échauffement de trois minutes à 150 Watts, les sujets devaient réaliser un effort maximal de trente secondes à une résistance de 750 Watts. Les réglages de l’ergocycle étaient les mêmes que lors du test PMA. Les sujets avaient pour consignes de ne pas s’arrêter avant la fin du test et de rester assis sur la selle. La puissance maximale, la puissance finale, la fréquence gestuelle maximale, la fréquence gestuelle finale ont été enregistrées.
Un test t de Student a été utilisé pour comparer ces 2 échantillons de sportifs sur les différents paramètres mesurés. Le niveau de significativité était fixé à 0,05.
VO2max
Fig. 2. VO2max moyenne entre les deux groupes
La PMA et la VO2max semblent être supérieures pour les triathlètes mais sans différence significative entre les 2 groupes (respectivement P=0,08 et P=0,6). La PMA moyenne mesurée lors du test sur ergocycle est de 387 ± 26,6 W pour les triathlètes et 358 ± 28,7 W pour les cyclistes. La PMA étant fortement corrélée au VO2max, les résultats sont similaires, les triathlètes ont en moyenne un VO2max égal à 62±8 ml/kg/min pour 60±6 ml/kg/min chez les pratiquants de pignon fixe.
Contraction maximale volontaire (CMV)
Fig. 3. Force maximale volontaire moyenne enregistrée en concentrique sur les muscles quadriceps (FQC) et ischios-jambiers (FIJC) et en excentrique sur les quadriceps (FQE) et ischios-jambiers (FIJE)
Les résultats montrent que la CMV moyenne des triathlètes est supérieure à celle du groupe pignon fixe excepté pour FQE. D’après le test t de Student, il n’y a aucune différence significative entre les deux groupes. Pour FQC : P=0,6 ; FQE : P=0,8 ; FIJC : P=0,1 ; FIJE : P=0,3.
CMJ
Fig. 4. Hauteur de saut moyenne (en cm) pour les deux groupes sur CMJ
Pour les triathlètes, la hauteur de saut moyenne est de 41±6cm contre 39±6cm pour les cyclistes. Aucune différence significative entre ces deux groupes (P=0,6).
Fig. 5. Fréquence de pédalage maximale et fréquence de pédalage finale mesurée en rotation par minute (RPM) sur le test anaérobie
Fig. 6. Puissance maximale et puissance finale (en Watt) sur le test anaérobie
La puissance maximale et la puissance finale sont respectivement de 891±125W et 533±137W pour les triathlètes et de 879±61W et 528±62W pour les cyclistes. Aucune différence significative entre ces deux paramètres (P=0,9).
Chez les triathlètes, la fréquence maximale est d’en moyenne 158±24 rpm contre 170±21rpm chez les cyclistes sans différence significative entre les deux groupes (P=0,4). La fréquence de fin est de 86±29 rpm pour les triathlètes et 84±23 rpm pour les cyclistes (P=0,9).
Fig. 7. Différence entre la puissance maximale et la puissance de fin et entre la fréquence maximale et la fréquence de fin lors du test anaérobie
L’indice de fatigue mesuré chez les triathlètes et les cyclistes est identique, - 40±17 % et - 40±6 %. En revanche le delta de fréquence est légèrement différent : - 45±17 % pour le premier groupe et - 51±12 % pour le second, sans différence significative entre les deux (P=0,6). Ce décalage s’explique par le fait que les cyclistes ont une fréquence de pédalage maximale moyenne de 170±21rpm contre 158±24rpm pour les triathlètes. De plus, la puissance maximale relative dans le groupe des cyclistes est en moyenne de 12,1±0,9W/kg contre 11,8±0,9W/kg pour les triathlètes.
Cette étude a permis de mettre en évidence des différences entre des triathlètes et des cyclistes s’entrainant pour des courses sur des vélos à pignon fixe. Pour les PMA mesurées, la tendance est que les triathlètes auraient des valeurs supérieures à celles des cyclistes. En effet, Les résultats montrent que les PMA moyennes chez les cyclistes triathlètes sont supérieures de 7,5 % (Fig. 1) par rapport au groupe cyclistes pignon fixe, sans différence significative entre les deux groupes (P>0,05). De plus, les VO2max enregistrées chez les triathlètes sont également supérieures de 6,25 % (Fig. 2). Cependant, tout comme les valeurs de PMA, les deux groupes ne présentent aucune différence significative (P>0,05). La tendance est que les triathlètes aient des valeurs de PMA et de VO2max plus élevées que celles des cyclistes. Ces résultats semblent cohérents dans la mesure où sur les triathlons distance olympique, le VO2max est lié à la performance (O’Toole et Douglas, 1995). Les triathlètes semblent donc avoir une meilleure capacité aérobie.
Concernant les rapports puissance / poids, il n’y aurait aucune différence significative (P=0,2) entre les deux groupes malgré que les résultats tendent vers des rapports plus hauts pour les triathlètes avec en moyenne 5,2±0,3 W/kg contre 4,9±0,4 W/kg pour les cyclistes.
Les résultats lors des CMV sont en partie identiques, la tendance est que les triathlètes aient des valeurs de CMV supérieures aux cyclistes sauf pour FQE. Cependant il n’y a aucune différence significative entre les groupes. Les triathlètes auraient développé une force supérieure de 6,78 % à celle de l’autre groupe lors du test sur ergomètre avec une différence de 16 % pour FIJC (Fig. 3) malgré l’absence de différence significative (P=0,1). Cette différence peut s’expliquer par le fait que les triathlètes mobilisent plus leurs ischio-jambiers en concentrique dû à la pratique de la course à pied.
En revanche, les CMV des triathlètes en FQE sont inférieures de 2,4 %. Cette différence s’expliquerait par le fait que les cyclistes sur pignon fixe freinent leur pédalage avec leurs quadriceps par une action excentrique. Quant aux triathlètes ce régime de contraction est absent sur les quadriceps lors de la partie cyclisme. Les seules actions excentriques pour un triathlète sont celles de la partie course à pied. Celles-ci prennent une part importante lors des courses en descente permettant de maintenir la vitesse de course (Lindstedt et coll 2001). Cependant, la partie course à pied des triathlons olympiques présente très peu de dénivelé négatif. De plus, les tensions musculaires excentriques générées lors de la phase de freinage sur un vélo pignon fixe semblent bien supérieures à celles de la course à pied.
Lors du test CMJ (Fig. 4), les deux groupes ont enregistré des valeurs presque identiques (P>0,05) avec seulement deux centimètres d’écart entre les moyennes des deux groupes. De ce fait, les triathlètes possèderaient les mêmes qualités d’explosivité que les cyclistes.
Le test de trente secondes a permis de mesurer les performances anaérobies des sujets. Il sert à évaluer et à quantifier la puissance maximale pouvant être générée et la capacité à la maintenir (Tharp 1985). Les puissances maximales mesurées ne présentent pas de différence significative avec seulement 10W de différence sur la moyenne des deux groupes (P=0,9). Les puissances de fin ne présentent également aucune différence significative. (Fig. 6). De ce fait, le delta de puissance mesuré est similaire dans les deux groupes (P=0,98), autrement dit, la capacité de puissance anaérobie semble être similaire. En revanche, le delta de fréquence (Fig. 5) est plus élevé pour les cyclistes de 5 % (sans différence significative P=0,6) mais leurs valeurs de fréquence maximale sont également supérieures de 12rpm. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les cyclistes auraient davantage de fibres rapides de type II comparé aux triathlètes.
Les fibres lentes de type I auraient une vitesse de contraction maximale conduisant les fibres de type II à prendre le relais pour développer le plus de force possible dans un court instant.
Résultats qui seraient en accord avec les travaux de Sargeant (1994).
La limite de ce test est que les résistances ont été standardisées et pas individualisées en fonction du poids corporel ou de la masse maigre des sujets (Bar-Or 1994 ; Green 1995). De ce fait, des résultats ont peut-être été approximatifs pour certains sportifs.
Les courses en vélo « fixie » semblent être composées de sprints à haute intensité pendant environ 20 % du temps de course. C’est pourquoi un entrainement spécialisé doit être réalisé pour développer les filières anaérobies. Un entrainement incluant des intervalles de sprints à hautes intensités améliorerait les performances durant les épreuves reposant principalement sur le métabolisme aérobie (Eddy et al 1977). En revanche, un entrainement uniquement en endurance aurait des effets sur la capacité oxydative musculaire, sur l’utilisation des substrats et les performances d’endurance (Gleeson, 2000). La pratique du vélo pignon fixe, à l’entrainement comme en compétition pourrait être bénéfique pour les triathlètes.
Il est également admis qu’un entrainement incluant des intervalles de sprints effectués à hautes intensités est également plus efficace qu’un entrainement effectué uniquement en endurance au niveau de la capacité à éliminer les ions H+ responsables de l’acidification musculaire (Weston et al. 1997). Ces 2 types d’entrainements induisent donc des adaptations musculaires et des performances similaires alors que l’entrainement en endurance représente un volume de travail beaucoup plus important que l’autre modalité.
Dans leur étude, Martin Gilaba et al ont comparé les effets d’un entrainement bref et intense (SIT) de 6 séances sur 14 jours composé de 4 à 6 sprints de 30s à environ 250 % de VO2peak (récupération 4min) à un entrainement continu (ET) allant de 90 à 120min à 65 % de VO2peak. Le temps d’entrainement pour le groupe SIT était de 2,5 h et pour ET de 10,5 h (soit environ 90 % de volume horaire en plus). Les résultats ont montré que les 2 formes d’entrainements avaient produit des adaptations similaires à l’exercice (ici test Wingate et test contre la montre de 2 et 30km) et sur des adaptations musculaires liées à la tolérance à l’effort.
Les entrainements d’un triathlète en cyclisme pourraient donc être identiques à ceux des cyclistes faisant du pignon fixe et permettraient peut-être de limiter les effets de la fatigue en diminuant considérablement le volume horaire hebdomadaire. Pour ces 2 types de pratique, le développement des systèmes aérobies et anaérobies est donc un axe de travail primordial dans la stratégie d’entrainement. Les exigences physiologiques semblent être similaires entre ces deux pratiques.
L’entrainement excentrique pour des triathlètes avec un vélo pignon fixe présente des avantages mais aussi des inconvénients. En effet, les niveaux de force musculaire qui peuvent être générés en excentrique sont supérieurs à ceux qui peuvent être produits en concentrique (Westing et coll 1989).
Le travail négatif est donc un excellent moyen d’intensifier les séances et de gagner en force. Cependant, les adaptations sont presque exclusivement ciblées sur les tissus périphériques. Or la force dépend aussi de la commande nerveuse. Sur ce dernier point, un entrainement excentrique procurerait des adaptations nerveuses moins importantes qu’un travail en concentrique. En effet, à charge équivalente, l’activité électrique du muscle serait réduite de moitié par rapport au concentrique. De plus, l’entrainement excentrique pourrait générer moins de fatigue en sollicitant moins le système cardiovasculaire (LaStayo et al 2000), en réduisant la consommation d’oxygène (Perrey 2001) et le coût énergétique (Asmussen 1952). Les réponses ventilatoires (Lechauve 2014) et cardiovasculaires (Knuttgen 1971) seraient ainsi atténuées. Cependant, la dépense énergétique de repos peut s’élever jusqu’à 72h après l’exercice (Dolezal, 2000). Il est également important de souligner que la perception subjective de fatigue lors du pédalage excentrique est de niveau inférieur par rapport au pédalage concentrique.
Le pédalage excentrique génère des dommages musculaires importants du fait des fortes contractions musculaires générées (McHugh, 2003) et lorsque celles-ci sont effectuées à haute vitesse (Chapman 2006). Une personne habituée à la pratique du pignon fixe et au travail musculaire négatif sera moins susceptible aux dommages musculaires (Gilaba 1995). C’est pourquoi, un triathlète probablement moins habitué à des séances excentriques, veillera à augmenter progressivement l’intensité du travail et tirer des bénéfices d’un tel type d’entrainement.
Finalement, les effets d’un entrainement en pédalage excentrique pour l’entrainement d’un triathlète sont prometteurs. La puissance musculaire développée lors des sauts et la raideur des membres inférieurs seraient améliorées, ce qui suggère que le pédalage excentrique pourrait améliorer la capacité des muscles des membres inférieurs à stocker et restituer l’énergie élastique (Elmer 2011).
Pour résumer, cette recherche s’est intéressée aux caractéristiques physiologiques de deux types de pratiques cyclistes. Les paramètres mesurés ne présentent aucune différence significative entre les deux groupes malgré des tendances à ce que les triathlètes aient de meilleures capacités aérobies et anaérobies.
En perspective, il serait intéressant de réaliser d’autres tests sur ces deux groupes tels que des tests d’efforts sur terrain de 4 et 20 minutes. En effet, d’après Ouvrard et coll (2015) et Impellizeri et coll nous savons que la performance en cyclo-cross et en VTT est corrélée à la puissance maximale aérobie ainsi qu’à la puissance développée au seuil anaérobie (2005a). La puissance maximale développée sur 4 minutes est assimilable à la puissance maximale aérobie (Nimmerichter et coll 2010) tout comme la puissance maximale développée lors d’un test de 20 minutes qui correspondrait à la capacité à développer de hautes puissances au seuil anaérobie. Ainsi, des différences ou des similitudes pourraient apparaitre entre les cyclistes et les triathlètes. De plus, pour valider ou non les hypothèses, il serait intéressant de réaliser cette étude avec une population plus grande permettant d’avoir, ou non, des différences significatives entre ces deux types de cyclistes.
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