Départ de Megève à 10h43 : Environ 20 degrés, ciel bleu. Je me suis préparé comme je le voulais pour cette aventure en ayant fait la Race Across Paris 500 km et le Last Man Riding où j’ai cumulé un peu plus de 300 km. Les dernières semaines avant la RAF je relâche beaucoup l’entrainement pour prendre le départ avec un max de fraîcheur.
Première descente direction le col des Saisies et déjà des pentes à 8/9 %.
Je croise beaucoup de monde dont des locaux qui viennent discuter avec nous et partager un bout de chemin. J’arrive au dessus du col avec groupe, on est nombreux au départ. J’entame la longue descente sur Beaufort, même pas besoin de s’habiller, les températures sont déjà bonnes (environ 20/22 degrés). Ensuite direction Albertville pour contourner le col de la Madeleine bloqué par un camion qui s’est mis en travers, message reçu de l'orga à 8h du matin qui nous envoie une trace pour contourner. On entame donc la vallée jusqu’à La Chambre, j’en profite pour enrouler un bon braquet et commencer à rattraper les concurrents qui partent devant moi. Vent plutôt favorable, ça fait plaisir ! J’entame le col de Chaussy et profite d’un premier arrêt pour refaire le plein d’eau dans un cimetière, une dizaine de gars ont eu la même idée que moi, je m’arrête 30s. Les discutions tournent autour de la chaleur qui nous attend. Il fait déjà chaud mais je me dis qu'on aura pas le choix que d'avancer et de serrer les dents jusqu'au soir quand les températures tomberont un peu. S’en suit les magnifiques lacets de Montvernier, incroyablement beau ! Ca n’arrête pas de tourner ! La route n’est pas large et il faut rester vigilant sur toute la descente. Petite anecdote : Un drone de l’orga me suit sur quelques virages, il sait piloter son truc le gars ! Ensuite direction Saint Jean de Maurienne et Villargondran pour entamer le plat du jour : col du Mollard (1638m) et col de la Croix de fer (2064m), ces 2 cols s’enchainent presque, seulement une petite descente les sépare. Un enchainement de 40km avec 30km d’ascension, ça fait peur sur le papier ! Les premières pentes sont dures, je m’arrête 2min pour manger et me préparer mentalement à cet enchainement qui va m’occuper un bout de temps. Le simple fait de manger me redonne la patate, je pense ensuite que ce sont 2 cols que je n’ai jamais fait donc 100 % découverte, là ça donne envie. Je repars prêt.
L’ascension du Mollard se déroule bien, au frais et à l’ombre, 20/25 degrés ça fait du bien après la fournaise dans la Madeleine, avec ses parties abritées du vent mais pas abritées du soleil. Je me fais rattrapé par un gars qui monte assez fort, moi je choisis la prudence et j'en garde pas mal sous la pédale, la route est encore longue jusqu'à Saint Jean Royans et le début de journée a déjà été rude. Je bascule et entame le col de la croix de fer, je croise un gars qui est sur le 2500 km et échange quelques mots, il va attaquer sa 6e nuit quasi blanche mais il a le sourire c’est tout ce qu’on demande. Gardez la pêche même dans la difficulté c’est important. C’est toujours sympa de croiser des gars qui sont partis du Touquet. Je ferai le plein de mes bidons au pied du col dans une fontaine, l’eau est bien fraîche et heureusement et je m’engage à passer le sommet avant la nuit car les températures peuvent vite tomber à 2000m d’altitude. A saint Sorlin d’Arves, petit braquage d’un distributeur: J’ai besoin de me faire plaisir et de manger autre chose je me prends des bonbons. 2€40 le petit paquet, hors de prix mais il va me faire du bien celui là ! Je les mange par 2, j'ai un paquet dans une main pendant que l'autre est sur le guidon. Petit trou sur la route, pas lucide je passe en plein dedans, la moitié des bonbons sautent du paquet et tombent sur la route. Là je suis dégouté ! Bon, c'est degeulasse mais je les ai ramassé quand même ! A 3km du sommet je sens déjà les crampes arriver, bizarre je n’y suis pourtant pas trop sujet. Je suis alors à 170km et 8h15 de course. Certainement que le début du parcours a déjà été éprouvant sous 32 degrés. Je suis rattrapé par un binôme, on s’encourage, je tente de rester pas loin d’eux et de les garder en ligne de mire. J’arrive à plus de 2000m d’altitude c’est magnifique ! J’ai un couché de soleil et encore 19 degrés. Ouffff bon morceau de passé je suis déjà content d'être la avant la nuit et pas trop entamé physiquement même si la fatigue commence déjà à être bien présente. J'ai faim, je pense à faire un arrêt à Bourg D'oisans.
Le sommet est là avant la nuit. Je ne traine pas et bascule après avoir enfilé mon coupe vent.
La descente est assez droite et ultra rapide, je prends régulièrement plus de 70km/h. Petite remontée bien casse patte au milieu de la descente puis ça redescend jusqu’à Bourg d’Oisans. Je ferai le plein de mes bidons à Oz dans les toilettes publiques, des gars sont déjà passé par là il y a des papiers de barres partout, super... A Bourg d’Oisans, arrêt au stand, j’achète de quoi passer une partie de la nuit avant d’arriver à la première base de vie à Saint Jean Royans à 140km : Saucisson, banane, coca, gâteau apéro, je prends surtout du salé. Je mange 5min sur le parking, ça fait du bien de poser le vélo un coup. Je repars et entame le col d’Ornon : 11km à 5,7 % de nuit. J’appelle famille et amis pour me redonner un coup de boost car j'entre dans la nuit noire et c'est souvent le moment où j'ai des coups de moins bien, autant physiquement que mentalement. Redescente et passage vers Grenoble vers 1h du matin, la ville s’endort, c’est calme. Je démarre la montée de St Nizier : 11km à 6,6 %. Le dernier avant d’arriver à St Jean, c’est pas le moment de flancher. La pente est irrégulière et dépasse parfois les 10 %, là ça commence à être dur j’avance plus et je suis fatigué, mes idées fusent, j’en ai marre. Je m’allonge sur le côté de la route, a 2m du bord, sur une plaque en béton et dans le noir complet. Je mets un minuteur de 10min pour tenter de faire un reset physiquement et mentalement, je me concentre sur ma respiration pour me relâché et me reconcentrer. 5min passe j’ai l’impression de perdre mon temps, ou alors ma technique a été plus rapide que prévu et je suis déjà prêt à repartir, je ne sais pas. Mon mental me joue des tours, il se demande ce que je fais là, à cette heure plutôt que d’être tranquillement en train de dormir. Je comprends, j’accepte mais je remonte tout de suite sur mon vélo déterminé a venir à bout de cette bosse qui me donne du fil à retorde. Le minuteur sonnera dans ma poche. Reste 40km avec un profil largement descendant, je vais y arriver j'ai fait le plus dur et je sais que ça commence a sentir bon pour cette première partie. Il commence à faire frais, la rosée tombe, il est 2h30. A 20km de la base de vie je suis pris par un coup de fatigue, le froid a tendance à m’endormir, mes yeux commencent à se fermer alors que je roule. Impossible de continuer je commence à piquer du nez à 40km/h c’est pas ultra prudent, je m’arrête dormir 15min sous un porche de pharmacie, je reste assis sur le paillasson la tête contre la porte, le vélo juste à coté de moi. Je mets mon minuteur. J’arrive à m’endormir. Le réveil sonne je suis de nouveau bien et j'ai hâte d'arriver, je repars plutôt frais pour couvrir les derniers km restant, j’arrive enfin à St Jean après une première grosse journée: 365km et 7500m de D+ en 18h30. Le premier gros morceau est passé, première victoire ! Mais il reste encore 565 km.
Je mange, bois, remplis mes bidons, organise mon drop bag, change mes batteries. Je suis pas très lucide et je suis lent ça m'énerve, je sens que je perds du temps. Je file me coucher sur un lit de camp. Réveil 1h plus tard j’émerge et file me changer car je suis plein de sel. Je remange un bout et bois 1 café puis je repars. Note a moi même : Etre plus efficace sur les base de vie. Je m’arrête au total environ 2h, trop long, ça peut tenir en 1h30.
Le jour se lève, il est environ 7h, je me dirige sur la seconde journée avec au programme 298km et 5000m de D+.
La journée démarre par un col assez long. Bizarrement je ne vois pas trop les km défiler, je suis plutôt content de repartir car pas trop usé et assez bien reposé, mais pas trop concentré sur la tâche, je regarde mon téléphone et vois beaucoup de monde qui m’encourage, j’écoute des vocaux de mes proches qui me redonnent la patate mais me sortent de ma concentration. Je fais un hors parcours de 4/5km ! Raaaaah quel con (dans ma tête répété en boucle), mais bon pas si grave je le prends avec le sourire.
Perte de temps, je reviens sur mes pas pour prendre un petit bout de route et entamer une bosse de 2km à 9%, ça réveille !
Je m’arrête vers 11h30 à Die pour une petite pause boulange, le sucre commence sérieusement à m’écœurer et un pan bagnat au poulet est de mise avec le traditionnel flan. Je prends le temps de manger convenablement (car un col arrive et j'ai besoin de descendre du vélo avant de démarrer) et repars au bout de 15/20min en direction de Glandage : La ville qui porte mal son nom car le col de Grimone y passe : 23km à 3,5% et son final 6/7%.
S’en suit le col des Eygaux : 2km à 5% puis le col d’Espreaux : 10km à 3%
Arrivé au lac de Serre Ponçon km 570 vers 18h avec un enchainement de petite cotes, il fait encore très chaud, la fatigue se fait ressentir, je suis dans le dur. J’entame le terrible col de la Cayolle : Presque 50km de montée depuis Le lauzet. J’ai chaud, je commence à avoir mal partout, j’ai faim, j’ai soif et je commence à avoir mal aux genoux. Combo gagnant : J’ai mes pensées qui viennent me parasiter la tête, j'en ai marre. Je pense à l’abandon, je sors du moment présent et pense à ce qu’il me reste à faire jusqu’à Mandelieu, l’ampleur de l’épreuve me fait peur je m’arrête fermer les yeux pour remettre les compteurs à 0. Minuteur de 15min. Je tergiverse comme vers Grenoble, ce repos ne sert à rien j’ai l’impression de perdre mon temps. Je repars au bout de 10min bien décidé à avancer malgré tout. Quelques heures plus tard, nouvel arrêt repos de 15min à côté de la route, dans l’herbe. J’ai un petit matelas de sol que je n’ai toujours pas déplié. Je pose la tête sur ma sacoche de selle. J’arrive ici à bien couper et à me reposer, je m’endors quelques instants. J'arrive presque au bout de cette deuxième journée je dois être encore un peu patient, le temps d'arriver à Guillaumes. J’ai des frissons, la journée a été chaude et je pense que j’ai frôlé le coup de chaleur. J’arrive enfin à Uvernet, pied du col, je refais le plein des bidons dans une fontaine et je me lance. Reste alors 25km à 4% jusqu’au sommet.
Tout roule, j’ai de nouveau les idées claires, je suis déterminé à basculer le plus vite possible malgré mes genoux qui commencent à me faire mal. Petite anecdote : Je m’arrête au milieu du col suite à un appel du poste de sécurité concernant mes temps d’arrêts (tous mes arrêts n’ont pas été comptabilisé par ma balise GPS je dois donc leur envoyer la preuve sur mon Garmin, nous devons obligatoirement avoir 4h d’arrêt par tranche de 36h). Le problème est que je m’arrête en plein devant un troupeau de mouton gardé par un patou. Ma frontale sur le casque je regarde en direction du chien et je vois derrière lui environ 200 yeux qui me fixent ! Petit shoot d'adrénaline. Pas content il commence à devenir agressif et je m’aperçois que j’ai mal choisis mon arrêt. Je repars donc à bloc sur 200m.
Après 2h30 d’ascension, un final avec des pentes à 10% et à la limite de l’orage je bascule enfin, sous la pleine lune. Il fait 10 degrés j’enfile ma doudoune et entame les 30 derniers km jusqu’à la seconde base de vie à Guillaumes. La descente est longue, j’ai mal aux mains et j’ai du mal à freiner, il y a du brouillard, j’ai donc très peu de visibilité, c'est pas facile de rester vigilant à ce moment là, je tente de rester hyper concentré malgré la fatigue et de regarder à 5m devant moi. A 10km de Guillaumes je commence à piquer du nez et mon cerveau me joue des tours, je crois que j’ai des hallucinations visuelles. J’aperçois des silhouettes, des animaux qui en fait ne sont rien, je m’en aperçois au dernier moment. Je décide de m’arrêter dormir 15min à l’arrache par terre, a côté d’une voiture, sur le goudron et sous une lampe. Je ferme les yeux et m’endors, minuteur en main. 2 gars passent à ma hauteur, je me réveille et repars aussitôt. Ce sont des concurrents qui repassent devant moi, en plus en discutant j'ai du mal à l'accepter, je repars presque énervé ! J’arrive enfin à la base de vie vers 1h30 content d’avoir encore une fois réussi à boucler cette grosse étape.
Je mange un bout, bois une soupe et file me coucher sur un lit de camp. Je dors 2h. Le réveil sonne, sans doute un des réveil lus plus durs jusqu’à maintenant, j’ai du mal à retrouver mes esprits je suis complètement dans le gaz. Je ne sais pas par quoi commencer. Après quelques minutes, je remets mon maillot, mon coupe vent et mange un bout. Je repars pour la dernière journée avec au programme 266km et 4700m de D+.
Je repars de nuit il est environ 5h, une averse me réveille rapidement et me refroidit. Mes genoux n’aiment pas et ça commence à bien me tirer. Je ne suis pas serein pour le reste de la journée à ce moment là. J’entame le col de Félines vers 6h : 7,5km à 6%. J'enlève mon coupe vent car il fait déjà chaud et je sais que les petits cols vont s'enchainés jusqu'à l'arrivée. Un énorme blaireau me coupe la route je l’évite de peu.
S’en suit le fameux col du buis où pour la première fois depuis longtemps je pose le pied : 4km à 11% et des passages à 18%. Une bien belle épreuve qu’il faut surmonter. Je marche sur peut être 500m, c’est long j’en ai marre. Je sers les dents et patiente.
Direction ensuite le verdon et 170km sur un parcours hyper beau mais ultra fatiguant. La température avoisine encore les 30 degrés, je m’arrête dès que possible acheter de quoi boire quelque chose de frais. Je mange un bon bout vers Saint Auban : un feuilleté au comté, un croissant, un ice tea et un double expresso, ça fait du bien ! S’en suit une phase d’euphorie venue de nul part où je ne sens plus les pédales. Je sais que ça ne va pas durer alors j’en profite, je passe en mode contre la montre, je baisse la tête et passe la plaque pour faire un max de distance, je rattrape 1 concurrent. Puis retour à la normale avec les sensations du jour, pas de panique c’était à prévoir.
Arrêt forcé à Seillans où je prends un orage de grêle qui m’oblige à me mettre à l’abri. Je mets donc 1h30 à faire 6km en jonglant entre les orages. Je profite de mes pauses forcées pour me reconcentrer sur les 70 derniers km avec plusieurs bosses de 3/4km à 6% dont le fameux Tanneron qui me fera basculer sur Mandelieu. Ces dernières montées sont hyper éprouvantes, je rêve d’une énorme pizza avec une bonne bière, je mange ce qu’il me reste par nécessité, mon corps a besoin d’énergie je le sens mais j’ai pas faim. Je veux rallier l’arrivée le plus vite possible. J’ai mal aux 2 genoux mais je sais que la délivrance est proche, je m’accroche à ce qu’il me reste : Ma grande volonté d’aller chercher cette victoire personnelle. Je passe enfin le lac de Saint Cassien et m’engage dans les ultimes rampes du Tanneron. C'est le dernier col, pas forcement très dur quand on y passe avec 50 km dans les jambes et sans sacoche mais avec bientôt 900 km, 3 sacoches et un peu moins de 4h de sommeil c'est tout de suite dur physiquement et mentalement, je n'avance plus. J’arrive au dessus de Mandelieu, j’aperçois la mer alors que je suis parti des montagnes des Alpes, je suis content comme jamais et fier. Je descends à bloc pour aller encore plus vite, je ne sens plus mes douleurs, je suis euphorique, j’ai réussi et j’arrive juste avant la nuit un peu avant 22h. Je passe la ligne en visio avec mes proches qui m’encouragent, je libère la pression. Oufffff quelle aventure ! J’échange quelques mots avec Arnaud, fondateur de la course, je lui dit alors que le parcours est top et que j’ai adoré découvrir tous ces paysages. Je réalise pas trop ce que je viens de faire, je suis super content d’arriver et reconnaissant envers moi même, comme si je me remerciais d'avoir tenu jusque là pour vivre ça. Je viens de passer presque 60h en course, j’ai encore l’impression que nous sommes mardi soir finalement (on est pourtant bien jeudi soir). Mon corps me le fait bien sentir, j’ai mal partout et surtout aux articulations (poignets, genoux), je suis sale, ma peau est grasse j'ai besoin d'une bonne douche. Le lendemain matin sera compliqué, l'impression d'avoir des courbatures sur chaques muscles mais après tout je m'en fou, j'ai réussi.
Et l’année prochaine on fait quoi ? Je partirai bien de Lille pour voir…